Je l’ai déjà abordé plusieurs fois dans ces colonnes, mais je reste plus convaincu que jamais que le gratuit constitue toujours un piège pour tout le monde (Le mythe du gratuit et ses conséquences, La gratuité sur Internet et le sandwich aux Tuc, Découvrez pourquoi le gratuit sur Internet peut être un piège mortel). Et que la situation empire. En résumé, ce principe pervertit totalement la notion de valeur, et aboutit à des comportements aberrants.
J’ai par exemple entendu récemment parler d’une statistique édifiante selon laquelle il y aurait proportionnellement deux fois plus de petites entreprises allemandes présentes sur le Web que chez nous ! La proportion moyenne européenne des retardataires atteint 22%, contre 34% en France. Ça donne le tournis !
Bien entendu, la situation économique a plus que sa place dans ce retard. Elle sert d’ailleurs à beaucoup à justifier leur inaction : « je regarderai ça quand les affaires iront mieux ». Mais quel est le frein qui a abouti à cette situation ? Après mûre réflexion, je pense que le souci vient du gratuit, autrement dit de la perception de la valeur de ce bien immatériel qu’est Internet.
Parallèlement, Amazon taillerait des croupières aux petits commerçants. Admettons. Mais pensez-vous que ces derniers se sont majoritairement pressés pour rattraper leur retard, notamment après le premier confinement ? Que nenni. Évidemment, réaliser maintenant ce qui aurait dû être fait il y a longtemps ne peut pas se décréter en un claquement de doigts. Surtout pour celles qui sont en mauvais état.
Devant l’urgence, le gouvernement a décidé à ce sujet l’octroi d’une aide de 500€ aux entreprises concernées pour la création d’un site, pour un coût global estimé à environ 1500€. Je partage d’ailleurs cette estimation pour un petit site vitrine. Attendons maintenant les modalités d’application qui n’ont pas encore été annoncées.
Mais revenons si vous le voulez bien à ce fantasme du tout gratuit sur Internet. Il incite tout le monde à attendre une solution gratuite, et en prime qu’elle se présente d’elle-même. Ce fantasme incroyable pervertit totalement la notion de valeur. Les chasseurs de gratuité semblent en effet considérer comme parfaitement normal que le fruit du travail des autres soit accessible sans bourse délier. Eux en revanche ne donnent pas vraiment dans le caritatif. Cherchez l’incohérence. De plus, le refus de payer quoi que ce soit d’immatériel les bloque dans un immobilisme suicidaire, comme je viens de le montrer en ce qui concerne les sites Web.
Voici deux anecdotes récentes rapportées par un ami formateur qui illustrent bien de telles dérives. Il échange il y a quelques jours avec un développeur de sites Web, qui se targuait ne n’employer que des composants gratuits pour réaliser ses prestations. Très surpris, mon ami lui oppose que cette approche quelque peu irresponsable le mettra potentiellement dans l’incapacité d’assurer l’entretien des sites de ses clients faute de support technique à la hauteur pour les composants gratuits. Ce risque ne l’avait apparemment pas effleuré. De plus, l’investissement est consubstantiel à l’entreprise. Il constitue son carburant, et permet de développer ce qui doit l’être. Le retarder en période difficile se comprend, pour peu que les années fastes servent à prendre de l’avance (ou à rattraper le retard en la matière).
Autre scène, il intervient pour assurer une formation aux outils numériques d’autres formateurs. La prestation vise à leur permettre de rattraper leur retard en la matière, et elle est entièrement prise en charge par l’organisme de formation auprès duquel ils collaborent régulièrement. Faute de liberté de mouvement, mon ami prodigue la formation en distanciel à l’aide d’un service de webinaires. Et rapidement, il constate qu’une participante ne semble pas très concentrée sur son écran. Il s’enquiert alors d’un éventuel problème en proposant son aide. Toute honte bue, la participante le renvoie dans ses buts sans ménagement : « je n’ai pas que ça à faire ».
Manifestement, ni le respect du formateur ni une participation active ne lui apparaissait comme normal et pertinent. Pourquoi ? Parce que ça ne lui avant pas coûté un centime. Finalement, il semble relativement logique de n’accorder aucune valeur à ce qui ne coûte rien à obtenir. Ni en argent ni en effort. Je vous laisse y réfléchir, vous avez quatre heures.
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